Les États doivent lutter contre les massacres de civils par des armes explosives

  • Les consultations virtuelles de cette semaine se rapprochent de l’objectif d’un accord diplomatique visant à protéger les civils
  • Amnesty International a rassemblé des informations sur les répercussions catastrophiques de l’usage des armes explosives sur les civils dans de nombreux conflits
  • Le réseau mondial de la société civile décrit les principaux changements nécessaires
Les dizaines d’États qui se réunissent cette semaine doivent élaborer un nouvel accord politique solide, qui contribuera à limiter les pertes civiles dues aux armes explosives qui provoquent des destructions de grande ampleur dans les villes pendant les conflits armés, a déclaré Amnesty International ce mercredi 3 mars.

Les consultations virtuelles organisées par le gouvernement irlandais du 3 au 5 mars permettront de s’approcher de la finalisation d’« une déclaration politique visant à assurer la protection des civils contre les dommages humanitaires provoqués par l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées. [1] » Le texte approuvé à la fin de la semaine sera ouvert à signature lors d’une conférence diplomatique de haut niveau dans le courant de l’année.

« Il est grand temps que les États s’engagent à cesser d’utiliser des armes explosives conçues il y a des dizaines d’années pour les champs de bataille ouverts – comme l’artillerie, les roquettes et les bombes aériennes lourdes – dans des zones civiles peuplées », a déclaré Donatella Rovera, conseillère principale sur la réaction aux crises à Amnesty International.

« Il est grand temps que les États s’engagent à cesser d’utiliser des armes explosives conçues il y a des dizaines d’années pour les champs de bataille ouverts […] dans des zones civiles peuplées »

« L’utilisation de ces armes explosives à large champ d’action dans des villes à forte population civile a des effets indiscriminés prévisibles et, à ce titre, est interdite par le droit international humanitaire – les lois de la guerre. »

La guerre urbaine

Les guerres du XXI e siècle ont lieu de plus en plus fréquemment dans des zones urbaines, occasionnant des souffrances indicibles aux civils pris au piège sous des bombardements incessants d’armes explosives terrestres et aériennes.

Bombarder de loin des zones peuplées, salve après salve, implique souvent que des habitations et des infrastructures civiles se trouvent pulvérisées par des munitions peu précises ou beaucoup trop destructrices, qui provoquent des dommages de grande ampleur bien au delà des cibles visées.

« C’est un usage complètement disproportionné des armes, avec des conséquences dévastatrices pour la vie et les moyens d’existence des civils. Pour protéger la population civile, il est essentiel que la déclaration politique contienne un engagement fort des États à éviter l’utilisation d’armes explosives à large champ d’action dans les zones peuplées », a déclaré Donatella Rovera.

« C’est un usage complètement disproportionné des armes, avec des conséquences dévastatrices pour la vie et les moyens d’existence des civils »

Ces dernières années, les enquêteurs d’Amnesty International ont passé des mois sur le terrain dans des zones de conflit, où ils ont été témoins des conséquences de l’usage des armes explosives à large champ d’action pour les civils. Ils ont notamment observé :

Sur tous ces théâtres d’opération, l’organisation a recueilli des éléments prouvant que les armées utilisaient des armes explosives qui n’étaient pas adaptées à l’objectif militaire – parce qu’elles avaient une charge trop importante et par conséquent une zone d’impact et de fragmentation trop large, étaient trop peu précises, lançaient de multiples munitions et saturaient la zone ciblée, ou présentaient plusieurs de ces caractéristiques. Ces attaques ont tué et blessé de très nombreux civils, détruit des infrastructures civiles essentielles et contraint des centaines de milliers de civils à fuir, devenant des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays et des personnes réfugiées.

Des armes inadaptées à une utilisation dans des zones civiles peuplées

Les frappes d’artillerie sont lancées depuis le sol par des obusiers qui peuvent se trouver à 20 km ou plus de l’objectif visé et ont une marge d’erreur allant jusqu’à 300 m. De même, les frappes de roquettes non guidées tirées depuis le sol – au moyen de systèmes très courants comme les lance-roquettes Grad de 122 millimètres – sont connues pour manquer leur cible, souvent d’un demi-kilomètre voire plus.

En raison du manque de précision inhérent à ces deux catégories d’armes, qui ont été conçues pour attaquer de grands groupes de soldats dans des espaces dégagés, ce type de bombardement est totalement inadapté aux zones bâties civiles. Pire encore, les roquettes et l’artillerie sont généralement tirées en salves qui retombent sur des quartiers entiers, tuant et mutilant sans discrimination.

Les frappes aériennes utilisant des bombes à charge importante peuvent être ciblées de manière plus précise, mais ces bombes contiennent de grandes quantités d’explosifs qui produisent de vastes ondes de choc et projettent des fragments mortels jusqu’à un kilomètre du site de l’attaque. Cela provoque des destructions considérables autour de la cible et détruit souvent des bâtiments entiers en un instant – tuant ou blessant tous les civils qui se trouvent à proximité.

En vertu du droit international humanitaire, toutes les parties belligérantes ont pour obligation de prendre toutes les précautions possibles pour épargner les civils et de veiller à ce que leurs forces ne se livrent pas à des attaques visant directement des civils ni à des attaques aveugles ou menées de façon disproportionnée. Cela implique que les commandants sont tenus de choisir des types d’armes et des méthodes d’attaque qui limitent le risque de blesser des civils et de détruire des biens civils.

Un réseau mondial appelant au changement

Amnesty International s’associe à des dizaines d’ONG dans le monde au sein du Réseau international sur les armes explosives (INEW) [6] pour demander qu’un accord aussi solide que possible se dégage des consultations de cette semaine.

Les États devraient notamment s’entendre sur :

  • un engagement plus clair et plus strict contre l’utilisation d’armes explosives à large champ d’action dans les zones peuplées ;
  • un engagement clair à faire face aux conséquences humanitaires durables des destructions d’infrastructures, en particulier lorsqu’elles perturbent l’approvisionnement en eau et en électricité, ce qui affecte les hôpitaux, la prestation de soins médicaux et la fourniture de services à la population civile en général ;
  • des dispositions plus solides pour aider les victimes, y compris celles qui sont directement touchées, leurs familles et leurs communautés.

« La communauté internationale ne doit pas normaliser les dégâts considérables que nous avons constatés dans les villes ravagées par la guerre en Irak, en Syrie, au Yémen, à Gaza et ailleurs. Au XXI e siècle, rien ne saurait justifier le fait d’utiliser des armes explosives au hasard à proximité de civils. Les armées ont souvent des munitions beaucoup plus précises et plus fiables à leur disposition, mais privilégient des options moins chères. Cela réduit peut-être les coûts pour les forces combattantes, mais ce sont essentiellement les civils qui paient le prix au bout du compte – de leur vie », a déclaré Donatella Rovera.

« La communauté internationale ne doit pas normaliser les dégâts considérables que nous avons constatés dans les villes ravagées par la guerre en Irak, en Syrie, au Yémen, à Gaza et ailleurs »

« Les États qui participent aux consultations cette semaine doivent prendre ce message à cœur – il est possible et nécessaire de faire davantage pour protéger les civils dans les conflits armés, et les lois de la guerre l’exigent. Mettre fin à l’utilisation d’armes explosives à large champ d’action à proximité de civils serait un pas très bienvenu dans cette direction. »


Article original: https://www.amnesty.be/infos/actualites/article/etats-lutter-massacres-civils-armes-explosives